Manu réagissait sur son blog hier à l’article paru sur Libération, concernant le licenciement de 3 salariés du groupe Alten pour avoir critiqué leur boite sur Facebook:
«Les pages mentionnant les propos incriminés constituent un moyen de preuve licite du caractère bien-fondé du licenciement», a estimé le conseil des prud’hommes.
Les faits reprochés aux salariés remontent à décembre 2008. Lors d’échanges sur Facebook, l’un des salariés, s’estimant mal considéré par sa direction, avait ironisé sur sa page personnelle, en disant faire partie d’un«club des néfastes». Deux autres employées avaient répondu: «bienvenue au club».
La direction d’Alten avait alors décidé de licencier les trois salariés pour«faute grave», considérant leurs propos comme un «dénigrement de l’entreprise» et une «incitation à la rébellion».
La société avait fait valoir qu’elle n’avait pas «violé la vie privée de ses salariés», les propos ayant été échangés «sur un site social ouvert».
Manu commente cette décision des prud’hommes ainsi:
De toute évidence les prud’hommes n’ont pas vu le film de David Fincher et ne comprennent rien. L’intérêt de Facebook depuis le début est justement son caractère ‘exclusif’ qui permet à chacun decréer son propre club.
Il y a nécessairement eu un délateur tier dans l’affaire… tristesse de notre monde où plus personne ne comprend rien à rien.
Vous savez, si vous lisez ce blog ou me suivez sur Twitter, à quel point je me méfie de Facebook. Il va donc sans dire que je ne suis pas du tout d’accord avec son point de vue, pour plusieurs raisons que j’essaye d’argumenter ci-dessous.
Facebook, un club « exclusif » ?
Peut-être à l’origine, oui, lorsque Zuckerberg s’empare de l’idée des frangins Winklevoss en limitant l’accès du site aux seuls possesseurs d’une adresse en harvard.edu. Mais rapidement, l’exclusivité est étendue à toutes les adresses en .edu, puis au reste du monde. Une question donc: peut-on considérer qu’un club regroupant 500+ millions de membres est encore « exclusif » ? Je ne crois pas, moi.
Alors, on pourrait argumenter que le club « exclusif » se crée avec ses propres amis. Genre, je ne partage pas d’infos avec d’autres personnes que les amis que j’ai délibérément accepté. Sauf que c’est du vent, il suffit de regarder l’étude menée par Matt McKeon pour constater qu’entre 2005 et 2010, les informations des utilisateurs sont de moins en moins réservées à la sphère privée de vos amis, mais bien accessibles à tout le monde.


Flippant, non ? Et je précise qu’on parle ici des réglages de confidentialité par défaut de Facebook. Il est certes possible de paramétrer le service pour brider cette fuite en avant, mais qui parmi les 500+ millions d’utilisateurs, dont probablement 75% de noobs, se soucie de ce « détail » ?
Alors qui est le délateur ?
Oui, qui c’est, ce salaud qui a tout balancé au boss entrainant de ce fait le licenciement de ses collègues? Elémentaire, mon cher Watson! En fait, il n’y a pas un délateur, mais plutôt 3 (haaannnn, mais dans quel monde vivons-nous?). Ce sont les 3 employés qui ont critiqué leur boite sur Facebook qui se sont eux-mêmes dénoncés à leur patron. Ils seraient directement allés chier sur son bureau que ça serait revenu au même. Le licenciement est, selon moi, amplement mérité.
Le principe de Facebook, c’est d’être basé sur la théorie des six degrés de séparation: « toute personne sur le globe peut être reliée à n’importe quelle autre, au travers d’une chaîne de relations individuelles comprenant au plus cinq autres maillons ». En gros, on a tous un ami qui a un ami qui a un ami qui a un ami qui a un ami qui connait Scarlett Johansson (d’ailleurs, si ce dernier pouvait m’envoyer le 06 de la belle…). Je pourrais donc en suivant les pages Facebook (aux paramètres de confidentialité insuffisamment bridés) de ces différents contacts accéder à la page de la pulpeuse pour y parcourir ses informations personnelles et autres photos en bikini (yeah!!!). Ce n’est pas pour rien que les personnes célèbres n’ont pas de compte Facebook (et là, tous mes espoirs de rencontrer Scarlett s’envolent…).
Le groupe Alten, c’est plus de 11000 employés (en 2009, d’après Wikipedia). Les 3 acolytes licenciés avaient forcément d’autres employés du groupe dans leurs amis, dont certains avaient d’autres employés dans leurs amis, etc… jusqu’au DG du groupe. Donc, quand ils publient « club des néfastes » sur leur mur, ils ne sont pas dans une sphère privée mais bien dans un réseau bénéficiant d’une audience potentielle de 500+ millions de personnes. Je suis donc bien d’accord avec les prud’hommes: ce réseau social est ouvert et ne fait absolument pas partie de la vie privée des gens.
Quelle solution?
Personnellement, je n’utilise plus Facebook que de façon sporadique, pour suivre les nouvelles de quelques proches. Mais je n’y publie plus rien depuis bien longtemps, j’ai supprimé de mon profil toutes les informations jugées trop personnelles et bridé la visibilité de ce qui reste (mes coordonnées mail, phone et IM) à mes seuls amis directs.
En gros, je suis passé de ça…

…à ça.

L’étape suivante pourrait être la suppression totale de mon compte, j’y ai longuement réfléchi… mais on ne parle jamais mieux de quelque chose que de l’intérieur. Et ça me sert pour éduquer mes proches et les mettre en garde (je ne vous explique pas le nombre de comptes Facebook que j’ai fait fermer… huhu).