22 septembre 2012

Où je défends Apple Maps

Je tiens tout d’abord à préciser que j’ai toujours trouvé excellente l’application Google Maps de l’iPhone. J’en étais d’ailleurs un utilisateur intensif et exclusif depuis plus de 4 ans1. Et je m’étais déjà interrogé en juin dernier sur son avenir après l’arrivée d’Apple Maps sur iOS 6.

Apple Maps est donc désormais disponible, et subit depuis la sortie d’iOS 6 de nombreuses critiques sur ses inexactitudes, ses imprécisions et ses bugs d’affichage fréquents. Un Tumblr a même été créé pour l’occasion. Au delà des moqueries (certes légitimes), de nombreux utilisateurs se sentent bafoués et trouvent qu’Apple Maps est une régression par rapport à l’ancienne application, une version beta en quelque sorte. J’aimerai contrebalancer un peu en donnant mon point de vue d’utilisateur (après seulement 2 jours de tests, ce qui est peu, mais les critiques n’ont pas pris plus de temps non plus).

Plutôt que de se contenter de citer les points négatifs (il y en a), essayons d’abord de voir ce qu’apporte Apple Maps.

Premièrement, même si on ne sait pas vraiment quels échanges ont mené Apple à virer Google Maps d’iOS 6 au profit de son appli maison, on peut raisonnablement penser que de grosses histoires de sous étaient en jeu, en plus de la petite gueguerre qui anime les deux sociétés sur le marché des OS mobiles.

Mais l’un des points essentiels selon moi et souvent oublié dans les critiques, c’était l’absence de navigation turn-by-turn dans l’appli de Google: pas pour des raisons techniques, non, mais un choix délibéré de ce dernier de laisser l’avantage sur ce point à son propre OS, Android. Légitime. Mais inacceptable à long terme pour Apple qui s’est retrouvée obligée de faire un choix: accepter de payer une rente ad vitam æternam à Google pour un service bridé ou sortir sa propre solution.

Mais revenons à moi, utilisateur. J’ai parcouru des milliers de kilomètres pendant 4 ans à l’aide de Google Maps avec succès. Elle n’était pas parfaite non plus au début (elle a bien essayé de me faire passer une fois ou deux en voiture sur des chemins de terre que j’aurais à peine pu emprunter à vélo). Et les premiers essais de Streetview à l’époque étaient, tout comme Flyover aujourd’hui, bourrés de glitches. Ça s’est rapidement amélioré heureusement. Mais pendant toutes ces bornes parcourues, combien de fois ai-je râlé contre le fait qu’il n’y avait pas de turn-by-turn, combien de fois ai-je appuyé sur le bouton Suivant pour indiquer à Google Maps de passer à l’étape suivante de mon itinéraire, combien de fois ai-je du demander moi-même de recalculer mon itinéraire après m’être trompé de route, ou seulement pour avoir une idée du temps que j’allais mettre ou des kilomètres me restant à parcourir (oui, ça parait con comme ça, mais ce sont des infos qu’on ne pouvait plus obtenir une fois le guidage lancé).

Apple Maps m’apporte tout ça et c’est du bonheur. La navigation turn-by-turn est tout simplement excellente, les routes en 3D bien représentées et détaillées et toutes les infos y sont faciles d’accès (ETA, km restants, aperçu de l’itinéraire complet, liste des étapes, re-calcul de l’itinéraire automatique, …).

L’interface est bien pensée et encore plus simple que celle de Google Maps. Et cerise sur le gâteau, grâce au systeme de notifications locales, le guidage continu même lorsqu’on quitte Maps. Tout ceci constitue une réelle amélioration par rapport à l’appli embarquée depuis iOS 1 et jusqu’à iOS 5 (5 ans se sont écoulés pendant cette période sans qu’aucun de ces points ne finissent par être pris en compte ). Il fallait que ça change. Et si Google ne souhaitait pas s’en occuper, Apple devait le faire.

Mais soyons juste, oui, il y a bien des problèmes avec Apple Maps. Les gens ne râlent pas pour rien. Mais combien de ceux qui relaient ces problèmes utilisent réellement l’appli. Sur la France, par exemple, pas vu beaucoup d’erreurs de positionnement, ni d’itinéraires foireux fleurir sur le web2. Il y a bien quelques imprécisions et quelques trajets aléatoires, mais l’essentiel ne semble pas se situer en France. Des pays plus exotiques ou le territoire US beaucoup plus large sont très certainement moins bien lotis.

Ce que je reprocherai d’avantage à Apple Maps, c’est son manque de “points d’intérêts” et son incapacité à localiser certaines adresses un peu obscures. Mais n’oublions pas que Google Maps existe depuis 8 ans (et que la recherche, c’est un peu son métier)… Apple Maps a à peine quelques mois3. Cette dernière souffre forcement la comparaison.

Quant à Flyover et ses nombreux glitches, je ne pense même pas que ce soit recevable comme critique. Sérieusement, trop peu de villes couvertes (uniquement un petit bout de Lyon en France), et on voit clairement que c’est un manque de données qui provoque ce type d’affichage. Un survol de New York par exemple est bien plus convaincant et j’en viens même à me demander si à l’usage ce ne sera pas plus pratique que Streetview (ce dont je doutais pourtant lors de l’annonce d’iOS 6 il y a quelques mois).

Pour ce qui est des vues satellites, là encore, faiblesse des données. Ça s’enrichie avec le temps… Je me souviens de Google Maps à l’époque incapable de fournir une vue de mon village (pas si paumé que ça) suffisamment proche pour que je puisse reconnaître ne serrait-ce que ma rue et encore moins ma maison4. Mais les gens oublient vite…

Donc oui, sur certains aspects, pour l’utilisateur l’expérience Maps est dégradée mais selon moi, largement compensée par le reste. Proposez moi d’échanger mon baril d’Apple Maps avec ses nouveautés et ses quelques soucis de jeunesse, contre un baril de l’ancienne Google Maps, précise et détaillée, mais sans certaines fonctions pourtant indispensables aujourd’hui à toute application de navigation qui se respecte. Je garde Apple Maps sans hésitation. Ce n’est pas une régression, c’est un mal nécessaire. Ce sont les utilisateurs qui au fil du temps permettront à Apple d’en améliorer la précision5.

Quoi qu’il en soit, je pense que le plus emmerdé dans l’histoire, ce n’est pas Apple (et pas tant l’utilisateur), mais bien Google. Que doivent-ils faire ? Sortir une appli Google Maps à la va-vite pour surfer sur la vague des critiques ? Y ajouter du turn-by-turn et perdre un avantage certain sur Android ? De la pub pour rentabiliser (parce qu’Apple ne paiera alors plus un centime) ? Je pense qu’on sera vite fixé…


  1. À raison de 45000km parcourus par an, dont environ la moitié sous guidage Google Maps, je crois qu’on peut dire que j’étais un gros consommateur de cette dernière.  ↩

  2. TomTom, qui fourni une partie des cartes à Apple, possède une part de marché importante sur la France d’où un territoire plutôt bien couvert, ceci explique peut-être cela.  ↩

  3. La plus grande partie de ce temps, Apple Maps n’était d’ailleurs accessible qu’à une poignée de développeurs.  ↩

  4. Avec Apple Maps, en zoomant suffisamment, je me vois pratiquement bronzer à poil dans mon jardin. (pas la peine de me demander mes coordonnées GPS, bande de pervers!).  ↩

  5. On retrouve la même logique que Siri ici. La faculté de comprendre et répondre aux questions s’améliore grâce aux utilisateurs. Le seul truc qui change, c’est que Siri a été estampillé “beta”, ce qui n’était pas un problème parce qu’on partait de rien: il n’y a pas de dégradation, juste de l’amélioration.  ↩

#apple — #  #  #  #  #

7 commentaires

Jerome dit :

Merci Fabien pour ce courageux article. Se mettre ainsi à dos le monde entier avec un avis aussi unique, il fallait oser.

Je voudrais tout d’abord souligner ce qui selon moi biaise ton argumentation (je ne peux pas te reprocher d’aimer ça, biaiser ; tu es du genre à biaiser dès que tu peux, non?), ce qui donc rend ton argumentation spécieuse, c’est de comparer le service proposé aujourd’hui par Apple avec ce que l’époque des balbutiements du mobile connecté nous avait apporté. Peut-être que les débuts de Google Maps n’étaient pas aussi sophistiqués, riches et fiables qu’aujourd’hui. Mais il serait intéressant d’analyser précisément la différence entre Google Maps et Apples Plans. Es-tu certain que ce serait aussi à charge pour Google ?
Mais surtout, ton argumentation revient à vouloir nous faire accepter qu’un prestataire revienne des siècles en arrière sous le prétexte que c’est un nouvel entrant. Un nouvel entrant, s’il veut se faire ne serait-ce qu’une petite place, se doit de montrer au moins sur un aspect qu’il apporte quelque chose de neuf. Je parlerai toutefois un peu plus bas du cas Dacia.
Proposer un service d’aussi faible qualité est encore plus inacceptable, ou ridicule, quand ce service en remplace un autre. Car alors la frustration est immense. Démarrer avec pas beaucoup, sinon est très indulgent, on peut se dire que c’est déjà ça. Mais se voir privé d’un service de très bon niveau, au « profit » d’un machin aussi médiocre, difficile de dire « attendons, ça va s’arranger.
Avancer, en progressant. Sinon, ça n’a pas de sens.

Le seul plus que tu accordes à Apple Plans tourne autour de ces fonctionnalités de guidage. Ok. Il est bien foutu, mais ce n’est que la 2ème partie principale. Et encore, la fonctionnalité est bien foutue mais elle ne sert à rien si les données sont insuffisantes. Apple Plans ne connaît pas le lieu-dit où je passe mon week-end. En France, pourtant. TomTom n’est pas une boîte française ?!? Google m’y emmène sans problème. Si Plans ne connaît pas mon lieu-dit, ton superbe Turn-by-turn est aussi utile qu’un barbecue sans rien à faire griller.
Sans données suffisantes, pas de guidage possible.

Et donc tu oublies dans ton argumentation la fonction principale d’un plan. Celle de te repérer, pour t’orienter. Pour ça, il faut du contenu. Ça me sert à quoi de savoir que je suis dans une rue si je ne sais pas son nom. Ça me sert à quoi si les adresses que je cherche sont absentes. L’absence des stations de métros parisiennes (à part étonnamment quelques unes, pourquoi celles-là, où sont les autres ?…) est des plus édifiantes.
Un plan sans données suffisantes, ça ne sert à rien.

Street view : combien d’adresses ai-je pu déterminer grâce à ça ? Combien de vérification du lieu et de l.environnement proche au-je pu faire grâce à ça ? Un peu trop intrusif, pour certains, mais tellement pratique. Flyover pour les insignifiants de Français, comme semble nous considérer n’est pas près de compenser.

En synthèse :
– Plans est vraiment bien trop limité pour ne serait qu’espérer en lui,
– Le fait que les fonctionnalités soient bien pensées ne compensent pas le manque de données.
– les gadgets comme Flyover étonnants de pathétique

J’en viens anecdotique ment à Dacia
Certes, Plans est gratuit (enfin, c’est dans un package…).
Proposer des prestations sommaires ne vaut que des rapports qualité/prix. Et ce fut l’excellent et pertinent pari de Renault avec Dacia. On a une voiture avec un habitable, un moteur, et des roues. Rien de + (quasi). Mais alors vu le prix, il n’est pas idiot de faire ce choix.
Pas possible d’appliquer ce genre de stratégie à Plans puisqu’en tant que tel, c’est gratuit, et SURTOUT ça vient avec le mobile le plus cher du marché.
Je vous vends une berline très chère et positionnée très luxe, avec juste des fauteuils en skaï, parce que je ne sais pas encore fabriquer des fauteuils en cuir. C’est ça l’approche d’Apple, que tu défends, avec Plans dans iOS 6 ?

Plans, « iPhone 5 », et bientôt un iPad mini… Apple me déçoit beaucoup, cette année

(J’ai pas le temps de tout relire. Désolé)

Fabien dit :

@Jérôme: « revienne des siècles en arrière », « un service d’aussi faible qualité », « un machin aussi médiocre », … Sérieusement, tu penses vraiment qu’Apple Plans mérite de tels qualifications pour n’avoir pas réussi à trouver un lieu-dit ? (et quelques stations de metro). Est-ce que ton jugement est vraiment lié à ton expérience ou à ce que les gens en disent partout sur le web ? Combien d’adresses Plans n’a pas réussi à te trouver ? Combien de fois t’es tu perdu à cause de lui ? En 2 jours d’utilisation d’iOS 6, tu tranches que Plans est médiocre. Les données sont peut-être insuffisantes, mais pour ma part toutes les adresses recherchées ont été trouvées et le guidage, les recalculs d’itinéraires sans faute. Je me fous du jugement du monde entier, mon expérience à moi jusqu’ici a été tout à fait correcte.

Je ne cherche pas d’excuses à Apple, mais sortir une application de navigation n’est pas une chose aisée. On ne parle pas ici d’une énième appli de todo-list. Les quantités de données, de calculs, de paramètres à l’échelle d’une planète entière… C’est juste énorme. Et n’oublions pas qu’Apple était probablement pris par le temps (on ne sait pas ce que demandait Google de l’autre côté pour permettre à Apple de continuer à utiliser Google Maps). Tout cela pris en compte, je trouve Apple Maps tout à fait honnête pour une v1.

Quant à Flyover, l’as-tu vraiment testé ? As-tu zoomé dans certaines rues ? Je pensais aussi que c’était un gadget avant de le voir tourner. J’ai changé d’avis. (Et pourtant il est encore très loin d’être parfait)

Les analogies avec les voitures fonctionnent pour à peu près n’importe quel sujet. Mais c’est un jeu interminable, on peut le retourner dans tous les sens: moi je préfère avoir une superbe bagnole avec une bombe sexuelle sur mes fauteuils en skaï qui me fait le copilote, que rouler tout seul comme un con dans des fauteuils en cuir confortables. Et après ?

Miguel dit :

Ma propre expérience:
Je suis développeur iPhone et j’ai donc iOS6 depuis juin.
Etant belge et adorant votre pays, ma famille et moi avons fais un périple de 15 jours dans une petite dizaine de chambres d’hôtes dans la partie nord de la France (Normandie, Bretagne, Loire, Beaujolais, Alsace et Champagne).
Il va sans dire que les chambres d’hôtes sont souvent perdues en pleine campagne (c’est ce que l’on recherche).

Nous n’avions ni GPS ni carte routière mais juste la nouvelle application carte sur mon iPhone.

Et bien: jamais nous avons été perdu !
La navigation turn-to-turn nous a toujours conduit au bonne endroit. Pour les lieu-dits (vous en avez beaucoup en France) qu’elles ne trouvaient pas toujours, faire une recherche sur le nom de la rue et de la ville/village a toujours donné le bon résultat.
La fonction recherche de ‘Google Map’ est plus puissante, c’est un fait mais la base d’Apple est suffisamment grande que pour être utilisable tous les jours.

Le seul reproche que je peux lui faire et l’impossibilité de mettre une partie de la carte en cache. J’ai en effet dû acheter une carte prépayé Orange pour accéder au 3G dans la voiture (Le roaming Data Belgique -> France étant beaucoup trop élevé).

Fabien dit :

@Miguel: Merci pour ce retour d’expérience (un peu plus longue que la mienne) qui confirme qu’Apple Plans n’est pas aussi médiocre qu’on le dit, en tout cas en ce qui concerne la France (et j’espère que ce séjour chez nous était agréable).

Effectivement, la possibilité de charger des cartes en cache manque cruellement. J’avais rencontré le même problème l’année dernière lors d’un séjour en Italie, le roaming pour m’orienter avec Google Maps m’avait coûté un bras. Mais c’est assez délicat, je pense, de charger une carte sur des iPhones (dont la capacité peut-être assez limité et ne disposant pas de slots d’extension mémoire flash).

Sylvain dit :

Très bon article. Courageux? Non juste honnête de mon points de vue.
Oui Plan est une régression sur certains points comme la qualité des images satellites. Un défaut dont souffre encore parfois Google Maps.

Pour aller un peu plus loin, je dirais que Streetview est certes utile, mais loin d’être parfait. L’effort pour cartographier, puis mettre à jour les photos de Streeview est voué à l’échec. Avec le temps les données sont destinées à être périmées. La solution d’Apple n’est certainement pas aussi précise dans l’immédiat, mais elle sera plus facile à maintenir à niveau une fois la base de données initiales complète.

De plus, les cartes Apple sont vectorielles. Elles offrent ainsi une meilleure qualité visuelle pour un moindre coût en terme de volumes. Sur la partie carte tout du moins (les photos restent des images)

Je ne pense pas que la régression soit aussi dramatique que ce qu’on veuille bien en dire. Les exemples les plus criants pourront vite être corrigés, sans mise à jour du système puisque tout est stocké côté serveur.

Apple a initié un énorme chantier. Mais nous en profiterons vite.

Jerome dit :

Comme je l’ai fait sur twitter, je clos ici mes interventions au sujet de Plans, ne comprenant pas le processus argumentaire utilisé pour défendre Plans.
Et puis surtout, je ne veux pas risquer la fâcherie.
Bonne journée
:-)

[…] Je l’ai déjà dit, je le répête. Dans toute cette histoire de guerre des Maps, celui qui a perdu le plus ce n’est pas forcément Apple, mais bien Google. […]

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