21 décembre 2012

Clochard de l’informatique

Joseph Weizenbaum, en 1977:

Partout où les centres informatiques ont vu le jour, c’est-à-dire un peu partout aux Etats-Unis, ainsi que pratiquement dans toutes les régions industrialisées du monde, de jeunes hommes brillants à l’apparence négligée, les yeux souvent rouges et cernés peuvent être aperçus assis devant leurs consoles informatiques, leurs bras endoloris, les doigts prêts à frapper les diverses touches, sur lesquelles toute leur attention semble portée, tel un joueur de casino sur les dés en mouvement. Quand ils ne sont pas transis devant leur machine, on les trouve devant des tas de feuilles d’impression de leurs travaux, plongés dans leurs pensées comme des étudiants sur un texte cabalistique. Ils travaillent jusqu’à s’écrouler, vingt, trente heure durant. Leur nourriture, s’ils y pensent, leur est apportée: café, coca-cola, sandwichs. Si possible, ils dorment sur des lits de fortune près de leur ordinateur. Mais seulement pour quelques heures, avant de revenir à leurs écrans et leurs impressions. Leurs habits froissés, leurs faciès crasseux et mal rasés, et leurs cheveux hirsutes témoignent tous du manque de soin qu’ils portent à leur corps et au monde dans lequel ils vivent. Ils existent, c’est le moins que l’on puisse dire, uniquement par et pour leurs ordinateurs. Ils sont des clochards de l’informatique, des programmeurs invétérés. Ils sont devenus un phénomène mondial.

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